Revue électronique de Psychologie Sociale, 2010-2011, No. 5.
Note méthodologique
Les 10 commandements pour aider les étudiants à distinguer la science de la pseudoscience en psychologie
Scott O. Lilienfeld
Emory University – Atlanta, USA
« Professeur Schlockenmeister, je sais que nous avons beaucoup à apprendre sur la perception visuelle dans votre cours, mais ne va-t-on pas apprendre quelque chose sur les perceptions extrasensorielles ? Un de mes professeurs de Lycée nous disait qu’il existait bon nombre de preuves scientifiques. »
« Dr. Glopelstein, vous nous avez appris beaucoup de choses sur l’intelligence dans votre cours. Mais quand allez-vous discuter des recherches montrant que la musique de Mozart augmente le QI des nourrissons ? »
« M. Fleikenzugle, vous ne cessez de parler des écoles de psychothérapie, comme la psychanalyse, les thérapies comportementales, et la thérapie centrée sur le patient. Mais comment se fait-il que vous n’avez jamais dit un mot sur les thérapies à intégration sensorielle ? Ma mère, qui est thérapeute, me dit que c’est un remède miracle pour les troubles de l’attention. »
Pseudoscience et psychologie populaire
Si vous êtes enseignant en psychologie, ces questions doivent sans doute vous sembler familières. Il y a une bonne raison à cela : en psychologie, la plus grande partie du « bagage de connaissances » que nos élèves amènent en classe se résume généralement à de la pseudoscience. En outre, nos étudiants sont souvent fascinés par les prétendues connaissances scientifiques en marge des champs académiques : la perception extrasensorielle, la psychokinésie, le channelling, les expériences extracorporelles, la persuasion subliminale, l’astrologie, le biorythme, le « sérum de vérité », l’effet de la lune sur les comportements, la régression sous hypnose, les troubles de personnalité multiple, les rapports d’enlèvements extraterrestres, l’analyse graphologique, les thérapies de rebirthing (dites aussi « respiration conscience »), ou encore les traitements de la dépression à base de phytothérapie pour n’en nommer que quelquesuns. Bien entendu, dans la mesure où certains de ces exemples peuvent éventuellement contenir une once de vérité, nous ne devrions pas les rejeter en bloc. Néanmoins, une chose troublante concernant ces revendications est le décalage flagrant entre les nombreuses personnes adhérant à ces croyances et la maigreur des preuves scientifiques les appuyant.
Pourtant, de nombreux enseignants en psychologie n’accordent dans leurs cours qu’une attention minimale aux sujets potentiellement pseudo-scientifiques, cela sans doute parce qu’ils pensent que ces sujets sont d’un intérêt au mieux marginal pour les sciences psychologiques. En outre, bon nombre d’ouvrages d’introduction à la psychologie n’abordent qu’à peine ces sujets. Après tout, n’y a-t-il pas déjà suffisamment de choses à aborder en psychologie, alors pourquoi aborder des choses dont la valeur scientifique est douteuse ? De plus, certains enseignants craignent qu’en accordant de l’attention aux théories discutables, ils finissent par donner aux élèves un message involontairement biaisé qui donnerait une crédibilité scientifique à ces allégations.
Les avantages d’enseigner aux élèves à distinguer la science de la pseudoscience
Pourquoi devrions-nous apprendre aux étudiants en psychologie à distinguer la science de la pseudoscience ? George Kelly (1955), théoricien de la personnalité, écrivait qu’une assimilation efficace d’un concept implique une compréhension de l’ensemble de ses pôles. Pour exemple, nous ne pouvons pas saisir pleinement le concept de « froid » sans avoir expérimenté la chaleur. De la même manière, les étudiants ne peuvent pas saisir pleinement le concept de la pensée scientifique sans une compréhension des croyances pseudo-scientifiques, à savoir celles qui semblent, à première vue scientifiques, mais qui ne le sont pas.
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