Pseudosciences et autisme

Le milieu de la santé, qu’elle soit mentale ou physique, est de plus en plus gangréné par les pseudo médecines et le milieu de l’autisme n’échappe malheureusement pas à cette tendance croissante. Plusieurs éléments peuvent expliquer cette recrudescence. J’en citerais quelque uns mais la liste n’est sans doute pas exhaustive.

Le manque de professionnels disponibles dans le secteur public ainsi que l’insuffisante prise en compte des souffrances psychologiques. Des scandales sanitaires tels que l’affaire du sang contaminé ou du Mediator ont pu jeter la suspicion sur les institutions de santé publique. De plus il existe une explosion de l’offre en libéral et via internet dans lesquels s’engouffrent toute sorte d’individus proposant des soins alternatifs liés à l’essor du New Age. Les raisons de cette tendance tiennent sans doute de la baisse de vigilance et d’investissement de la part de gouvernements successifs dans le secteur public ainsi que dans la lutte contre les dérives médicales et sectaires, le tout assorti d’un lobbying intensif de la part de promoteurs de thérapies non conventionnelles auprès des politiques, hôpitaux, organismes de formations, au sein des institutions etc.
Ce billet aura pour but de proposer quelques pistes de réflexion et des ressources qui auront, je l’espère, une certaine utilité pour les personnes intéressées par ce thème.

L’accompagnement de la personne autiste relève en premier lieu d’une psychoéducation. Selon les difficultés de la personne, il peut nécessiter des séances d’orthophonie, de psychomotricité et certains troubles associés tels que les troubles du sommeil, l’épilepsie, le TDA/H, troubles anxieux, dépression, TOCS peuvent nécessiter des traitements médicamenteux adaptés. Pour autant, aucun traitement ne permet de « guérir » les troubles du spectre de l’autisme.

Malheureusement,une panoplie impressionnante de pseudo thérapies se sont greffées autour du sujet et pullulent sur le web dont certaines relayées par les médias, en particulier ceux se présentant comme alternatifs ou parfois au sein d’associations. Il n’est vraiment pas aisé de s’y retrouver au milieu d’articles de presse, d’études, interviews, livres, conférences, formations, témoignages ou simples discussions de groupes, surtout pour les personnes en questionnement.

Concernant certaines « pistes » ou « alertes » au sujet de facteurs censés provoquer des troubles du spectre de l’autisme, on retrouve assez souvent la même approche chez certains médecins ou pseudo praticiens parfois en marge de la communauté scientifique usant de leur statut ou leur notoriété consistant à brandir des termes alarmistes dans le but d’annihiler toute réflexion et susciter la panique chez le public qui les reçoit. Pourtant, des biais viennent émailler ces discours anxiogènes, généralement accompagnés de promesses d’améliorations ou de guérisons à la clé.

On pourrait citer l’exemple de l’alerte virale et non fondée scientifiquement lancée par le collectif « COSE Surexposition aux écrans » un collectif de professionnels affirmant que « les écrans » provoqueraient des troubles « similaires en tous points aux TSA », baptisés dans un premier temps « Autisme virtuel » puis « Syndrome EPEE » et qui se résorberaient nous dit-on, par la grâce de l’arrêt des écrans. Dans leur combat pour instituer des causalités à partir de corrélations, ils appuient leur « alerte » sur de « nombreux témoignages de parents » qui semblent découvrir qu’un enfant avec des difficultés peut évoluer et attribueraient cette progression à l’arrêt des écrans en éludant toute possibilité que d’autres facteurs puissent entrer en jeu.

Ils pointent également des témoignages d’enseignants ayant le sentiment de voir de plus en plus d’enfants en difficultés dans leurs écoles, un biais de proportionnalité probablement lié en partie au fait que depuis la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées , il y a mécaniquement une augmentation d’enfants à besoins particuliers sur les bancs de l’école, due à la reconnaissance de leur handicap et disposant de ce fait des aides et aménagements permettant le maintien d’une scolarisation en milieu ordinaire.(1)

A cela, on pourrait rajouter une meilleure détection des troubles du développement, tout en gardant à l’esprit que dans le cadre des TND, les troubles se développent au cours des premières années et de façon inégale, ce qui fait dire à de nombreuses personnes qu’un élément – au hasard le vaccin ROR en son temps mais d’autres pourraient l’attribuer à n’importe quel accusé du moment (les écrans ) – serait venu freiner la trajectoire développementale de l’enfant qu’on estimait jusque-là bien portant, ne présentant pas de signes « visibles » d’un quelconque handicap .
On retrouve là encore un autre biais de raisonnement souvent mis en avant par les personnes désireuses de trouver un « agent coupable » des troubles chez ces enfants.(2)

Dans leur discours et jusque dans des tribunes journalistiques, on appuie également sur l’argument financier qu’impliqueraient ces troubles qu’ils relient à la surexposition aux écrans en termes d’aides et aménagements (AESH, MDPH, etc.) Une manœuvre généralement utilisée pour tenter d’influencer l’opinion du contribuable et du législateur au détriment de la véracité de ces assertions.
Pourtant, ces professionnels revendiquant toute absence de conflit d’intérêt ne sont pas avares de conférences, formations, livres, consultations « spécialisées » ou offres de « détox digitales » payantes.

On a tendance à oublier également que les enfants autistes peuvent progresser et que le repérage des troubles ainsi qu’un accompagnement précoces visent avant tout à multiplier leurs chances d’évoluer et gagner en autonomie et qu’avant d’être autistes, ce sont surtout des enfants, des individus en construction dont la progression peut dépendre d’une multitude de paramètres quand d’aucuns sont prêts à l’imputer à une cause unique.

Andrew Wakefield, tristement célèbre pour avoir répandu la rumeur selon laquelle le vaccin ROR serait la cause d’une « explosion de cas d’autisme » a été précurseur dans ce type de procédés que l’on pourrait qualifier de Fear Mongering (lobbying par la peur) avant que le monde entier découvre qu’en plus d’avoir falsifié les données de son étude, il s’était aussi associé avec des avocats intéressés par des class actions (des plaintes groupées censées attaquer le fabricant du vaccin ROR en justice dans le but d’obtenir des compensations financières) et qu’il avait déposé un brevet pour un mono vaccin concurrent contre la rougeole.(3)

La piste biomédicale découle directement des retombées de l’étude frauduleuse de Wakefield et des associations qui l’ont soutenu , comportant chacune leurs propres médecins ,dont certains radiés depuis (l’un d’eux a fait appel), propageant à leur tour leurs propres théories: mercure, métaux lourds, bactéries, parasites, pesticides, ondes, alimentation etc. accompagnées de tests censés détecter telle ou telle « contamination » ou pathologie, de traitements et compléments alimentaires, dispositifs « médicaux » ou « énergétiques », dont la plupart sont disponibles sur internet et échappent aux services de surveillance des agences du médicament.(4)

Rhétorique anti-système

On retrouve assez souvent une rhétorique commune qui consiste à instiller dans l’imaginaire collectif des théories issues du complotisme du type: »On nous cache des choses », »C’est dans l’intérêt de Big Pharma », »On veut nous empêcher de soigner » accompagnés de discours dénigrant la médecine conventionnelle alors qu’en y regardant de plus près, la majorité de ces praticiens ont des services ou produits à nous vendre, certains issus de laboratoires pharmaceutiques.

Un point essentiel pour nous aider à les repérer peut être leur volonté délibérée de ne pas vouloir passer par les procédures classiques permettant à l’ensemble de la communauté scientifique de valider ou invalider leurs hypothèses. Ils préfèrent généralement sauter les étapes, misant sur une adhésion populaire à leur discours pouvant exercer une certaine forme de pression sociale en usant de termes anxiogènes invoquant un sentiment d’urgence.

Bien souvent, les auteurs de Fakemeds (fausses médecines) vont s’inspirer d’un élément partiellement vrai et broder par dessus tout un tas de faussetés ou éléments difficilement vérifiables ou évaluables. C’est une des clés du succès et de la viralité de leurs allégations car même si vous trouverez des personnes appelant à la prudence, la plupart des gens seront tentés de « ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain » et seront plus enclins à donner un certain crédit à des propos faisant écho à leurs propres opinions et/ou croyances.
Ils peuvent chercher à déshumaniser l’ensemble du corps médical ou d’autres corps de métiers tels que les services sociaux ou l’Education Nationale, faisant appel à nos émotions par des discours ou témoignages pouvant faire écho aux potentiels souvenirs d’expériences négatives liées à nos vécus ou ceux de notre entourage.(ASE)

Ces personnes aux discours pouvant paraître séduisants, comptent sur le fait qu’il n’est pas possible pour le commun des mortels d’avoir une expertise sur tous les domaines et pour peu qu’elles disent ou proposent des choses qui font écho à nos opinions, nos modes de vie ou nos émotions, il est facile de tomber dans le piège.
Même les experts dans leur domaine peuvent tomber dans ces travers en s’exprimant sur des sujets qui ne font pas partie de leur champ de compétences.

Il n’est pas rare non plus que des médecins ou chercheurs fassent primer leurs croyances ou idéologie en usant des leviers institutionnels leur conférant une aura d’autorité sur des sujets pourtant loin d’être tranchés. Il est donc essentiel pour tout un chacun d’accueillir tout discours,toute « avancée » ou affirmation « nouvelle » avec un minimum de recul et de précautions.
Une simple piste de recherche ne devrait pas susciter des espoirs et des intérêts démesurés, « une étude dit que » devrait inciter à la prudence en l’absence d’un corpus de données solides sur le sujet. Des « progrès » ou « résultats » présentés comme « révolutionnaires », »miraculeux », »innovants » etc. devraient pouvoir nous inciter à la méfiance.

Pistes (trop) prometteuses

On trouve les études qui vont dans notre sens quand on cherche à maintenir ses propres biais de confirmation et nombre de personnes ne se privent pas de verser dans le cherry-picking dans le but de confirmer leurs croyances ou leurs observations.
Les organismes de Santé Publique qui produisent des recommandations issues de la littérature scientifique ne se contentent pas de piocher des études selon leurs préférences, elles regroupent des comités d’experts qui répertorient et analysent l’ensemble des papiers sur un sujet donné incluant les effets positifs et négatifs et en font une synthèse, ce que ne font visiblement pas certaines personnes faisant preuve au mieux d’un biais de confirmation, au pire, d’une certaine malhonnêteté intellectuelle.

Dans le cas du numérique ou des biomeds comme pour d’autres théories, on incite volontairement le public à regarder dans une seule direction au détriment d’autres facteurs pouvant expliquer les affirmations de départ. Ce n’est pas de cette façon que la démarche scientifique fonctionne. Pour aboutir à un consensus clair et établi, il faut un nombre conséquent d’études robustes ayant écarté de multiples facteurs pour pouvoir définir ce qui relève d’une causalité et non d’une corrélation et qu’une majorité des experts scientifiques soient en accord avec les conclusions qui en seront tirées. Tout ceci nécessite un temps infiniment plus long que celui que prennent certains individus à répandre des allégations infondées à travers les réseaux sociaux ou les médias.

Pour citer un exemple, un chercheur de l’INRA , Joèl Doré, fait pas mal parler de lui dans la sphère de l’autisme. Son sujet de prédilection , la piste du microbiote a été largement mis en avant , que ce soit au sein d’associations, de fondations ou dans certains médias alors qu’il a préfacé le livre d’une thérapeute/coach holistique prétendant avoir « ramené son enfant autiste à la normalité » grâce aux biomeds intitulé « Quand j’avais l’autisme ». C’est pour le moins déconcertant de voir autant de crédit accordé à cet individu en particulier alors que la plupart de ces travaux concernent des pathologies diverses et que plaquer leurs conclusions à l’autisme est loin d’être aussi évident. Concernant la transplantation fécale par exemple, ce n’est pas parce qu’on a des résultats probants pour le Clostridium difficile qu’il faut s’attendre absolument à en avoir pour d’autres pathologies ou pour l’autisme.

De plus, il se trouve qu’on commence enfin à explorer cette piste en sens inverse et à comprendre que ce sujet est bien plus complexe qu’il n’était désigné au départ et qu’il se pourrait bien que les troubles intestinaux présents chez une partie des personnes autistes résultent en premier lieu de leur régime alimentaire restrictif. Notons également que les troubles anxieux souvent présents chez cette catégorie de la population peuvent également provoquer des désordres intestinaux.(5) (6)

L’histoire de la recherche scientifique est pourtant jalonnée de pistes ayant fini par être invalidées ,d’où la nécessité de faire preuve de prudence quand on avance une hypothèse.(7)

Pour citer un autre exemple, on a l’essor des régimes alimentaires en tout genre, promus par certains médecins mais aussi le plus souvent par des praticiens douteux voire des parents publiant des livres aux titres plus alléchants les uns que les autres, affirmant avoir « sorti » ou « guéri » leur enfant de l’autisme, des témoignages ou observations pouvant devenir parole d’évangile auprès de familles n’hésitant pas pour certaines à engloutir des sommes conséquentes sur la base d’affirmations qui ne reposent bien souvent que sur du vent car invérifiables et au mépris des recommandations de bonnes pratiques édictées par la Haute Autorité de Santé.

On peut assister à des discours fustigeant les traitements médicamenteux « classiques », souvent taxés de « camisoles chimiques ». Ces tentatives de « Pill Shaming » (humiliation aux pilules) sont souvent infondées et peuvent nuire à terme à pas mal d’usagers qui sont tentés de refuser tout traitement pour eux-mêmes ou leurs proches et culpabilisent les patients qui y auraient recours. Ces discours souvent versés au profit de solutions présentées comme « naturelles » ou plus « respectueuses de l’individu » peuvent amener certains patients à refuser ou stopper un traitement et les mettre en danger.

Dans le cadre de l’affaire Chronimed par exemple, un réseau de médecins ayant prescrit des cures d’antibios, antiparasitaires, antifongiques, et autres traitements tels que du Bumétanide (Burinex), du Naltréxone ,des chelations ,des médicaments pour le VIH hors AMM pendant des années à des milliers de personnes autistes, pratiques qui ont donné lieu à l’ouverture d’une enquête judiciaire fin 2020, on peut lire régulièrement comme argument fallacieux de la part des partisans de ces essais sauvages que ça ne peut pas être pire que la « camisole chimique ».

On pourrait qualifier ces arguments de « Whataboutisme » , une technique visant à décrédibiliser les propos de l’adversaire en tentant de le mettre face à ses contradictions.(9)

Or, on ne parle pas du tout des même faits au départ. On ne peut pas mettre sur le même plan la prescription de traitements validés scientifiquement et autorisés par les agences de santé et un traitement n’ayant pas fait la preuve de son efficacité concernant la pathologie visée. C’est malhonnête.
De plus, la prise d’antibiotiques à long terme est loin d’être anodine et constitue l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, pointée par l’OMS en raison du développement de plus en plus large d’une antibiorésistance.(10)

Concernant le Burinex par exemple, des parents ont été tentés d’en donner à leurs enfants au motif que des essais cliniques étaient en cours. Pendant des années, ce traitement a été mis en avant dans les médias comme prometteur, jouissant même d’une réputation internationale jusqu’à ce que les essais de phase 3 soient stoppés faute d’efficacité.(11)

Certains praticiens délivrant des discours à contre-courant des données actualisées de la science se drapent dans une posture de « victime du système » ou de « lanceur d’alerte ». Ces personnes peuvent véhiculer pour certaines des propos accusant leurs contradicteurs d’être « vendus aux lobbys ».
Pourtant, il n’est pas rare de voir ces praticiens militer pour la reconnaissance de telle pathologie ou tel traitement en passant par des collectifs, fondations ou associations dont l’une des principales missions consiste à interpeller les élus politiques afin d’obtenir plus de poids dans le but de légiférer sur ces problématiques malgré l’insuffisance voire l’absence de preuves dans un domaine .

Ci-dessous, deux exemples représentatifs de tentatives de légiférer en passant outre les données scientifiques dont nous disposons à l’heure actuelle.

Dans le cadre de la PPL visant la reconnaissance du Lyme Chronique, il est intéressant de constater la présence de pas moins d’une quinzaine de députés membres du groupe autisme à l’Assemblée Nationale. En effet, les théories sur le Lyme chronique ont particulièrement essaimé le milieu de l’autisme.(12)

A noter également que plusieurs députés membres du groupe autisme auraient été approchés par des collectifs et associations opposées au numérique.(13)

Montrer du doigt « les lobbys » quand on pratique soi-même le lobbying, c’est plutôt cocasse.

A boire et à manger

On assiste ainsi régulièrement à l’apparition de nouveaux « syndromes » ou pathologies regroupant une liste de symptômes tellement variés que presque tout le monde pourrait s’y retrouver ou y retrouver ses proches et pour lesquelles on nous propose des thérapies malgré l’absence de validité scientifique . Un exemple avec le « syndrome de Kiss »: (14)

Dans un autre registre, on a aussi les neuromythes. A la base , des affirmations présentées comme issues des neurosciences qui n’ont pas été prouvées ou invalidées mais qui ont circulé à un instant T de manière tellement virale qu’elles sont encore considérées comme véridiques dans une partie de l’imaginaire collectif et sont régulièrement reprises dans certains discours. Là aussi, ça peut être problématique dans le sens ou certaines décisions politiques, notamment en matière d’éducation ou d’apprentissages peuvent être prises sur la base de ces allégations.(15)

Le milieu de l’éducation n’échappe pas à ces dérives et on peut voir pléthore de coachs ou influenceurs en parentalité proposer lectures, conférences et formations sur le sujet. La plupart prétendent se baser sur les neurosciences mais en creusant un peu il n’est pas rare que les prétentions soient loin de correspondre aux qualifications réelles de ces personnes et leurs discours sont souvent construits de sorte à plaire aux personnes désireuses de rompre avec un système qu’elles trouvent inadapté voire maltraitant. C’est là-dessus que certains praticiens ou experts auto proclamés peuvent venir greffer leur propre vision de l’éducation, véhiculant des discours anti institutionnels, voire à l’opposé des données scientifiques dont nous disposons sur certains sujets, que ce soit en matière d’éducation ou de santé.(16) (NEURO)

On voit aussi fleurir des sites proposant la mise en relation entre professionnels de santé et patients ou des organismes supposés « certifiants » mais dans lesquels on trouve à boire et à manger et dont la présentation donne aux usagers l’impression qu’on va leur fournir un contenu de qualité.(8) (17)

Plus insidieux aussi, lorsqu’un sujet de santé ou une thérapie fait beaucoup parler, un certain nombre de praticiens s’engouffrent dans le secteur afin d’en tirer profit. Dans le cadre des formations auprès du public ou des professionnels, on peut trouver aussi bien des personnes qui maitrisent le sujet que des personnes n’y connaissant strictement rien et dont le but n’est pas tant d’informer de manière fiable que de se faire connaître afin d’agrandir leur patientèle dans leur domaine d’activité qui n’a bien souvent peu de rapport voire pas du tout avec le sujet traité.

On peut tomber aussi sur des professionnels mettant en avant certains diplômes ou thérapies prisées mais en creusant un peu, il se peut que ces personnes proposent à côté d’autres thérapies alternatives ou non recommandées ,voire à risque de dérives sectaires.
En farfouillant des sites de psychologues proposant de l’ABA par exemple, on peut trouver de la Gestalt-Thérapie,une thérapie pourtant épinglée par la Miviludes, un organisme d’Etat dont la mission est de répertorier les dérives sectaires.

Il n’est pas rare non plus que certains pros revendiquent être supervisés par des personnes reconnues dans le milieu alors qu’il n’en est rien. Le meilleur moyen de s’assurer de la véracité de cette supervision est encore de se renseigner directement auprès de la personne citée. Il ne faut pas avoir peur de déranger certains praticiens, en tant qu’usagers, nous avons le droit de nous assurer de la validité d’un diplôme ou de certaines affirmations de la part de professionnels et si ces personnes sont dans une démarche saine, elles n’ont aucune raison de nous en tenir rigueur.

Une certaine vision invalidante des troubles du spectre de l’autisme peut favoriser l’impression négative que l’on peut en avoir par des discours utilisant régulièrement des termes tels que « fléau » , « épidémie », « problème de santé publique » voire « urgence d’investir dans la recherche » en y orientant une partie des budgets alloués au détriment des besoins concrets des personnes autistes et leurs familles, ainsi que des aides et aménagements pouvant permettre une meilleure inclusion sociétale.

A l’inverse, on peut aussi trouver des discours enjoliveurs, mettant en avant les supposées capacités hors normes de ces personnes envers lesquelles certains praticiens peuvent induire le sentiment d’être « exceptionnelles » ou évoquant une simple « différence » ou « richesse » qu’il conviendrait d’exploiter et de mettre en avant et qui peuvent là aussi induire des effets pernicieux comme l’étiquetage d’un Haut Potentiel Intellectuel en dépit des difficultés de la personne, la multiplication de coachs d’accompagnement pour adultes autistes ou des discours laissant supposer un manque de volonté ou d’effort chez les adultes qui n’arriveraient pas à s’adapter , trouver un emploi, un logement ou les conserver et pouvant conduire dans certaines situations à l’isolement, un repli communautaire, l’arrêt d’un suivi pour peu qu’il y en ait déjà pour ces personnes, un surinvestissement associatif, militant ou professionnel qui peuvent aboutir à un mal-être, une recrudescence de troubles associés ou un burn-out.(HPI)

Il faut garder à l’esprit également que la plupart des individus promouvant ou véhiculant des pseudosciences le font en toute bonne foi ou par idéologie. Mais il est vrai aussi que des personnes mal intentionnées peuvent profiter de ces situations pour proposer leurs services à un public ciblé en demande de solutions.
Les thérapies associées à la promesse très en vogue du bien-être foisonnent et sont également très présentes dans le milieu de l’autisme.(ZEN)

On trouve également un panel florissant de méthodes « innovantes, accompagnées d’un Copyright, non reconnues par les instances de santé dont certaines importées d’autres pays, ce qui complique la tâche de la personne qui souhaiterait se renseigner sur leur validité . On peut là aussi exiger de l’individu promouvant ces méthodes de nous fournir les preuves d’efficacité supposées.
Il se peut que la personne nous renvoie vers une ou quelques études qui n’ont peu de lien avec les prétentions affichées ou auxquelles on fait dire ce qu’elles ne disent pas vraiment, comptant sur le fait que la plupart des gens ne disposent pas du bagage nécessaire pour éplucher et interpréter convenablement les dites études.
Elles peuvent aussi nous agiter des « témoignages » de patients conquis, d’autres peuvent même faire preuve d’une certaine agressivité ou inverser les rôles, se posant en victimes de notre méfiance « injustifiée » en invoquant l’argument selon lequel elles ne souhaitent que « nous apporter leur aide », comptant sur notre culpabilisation ou leurs soutiens pour les défendre et certaines peuvent même tromper volontairement les usagers en prétendant que leur méthode serait « en cours d’évaluation ».(18)

Concernant les thérapies et médecines non conventionnelles, une partie d’entre elles sont répertoriées sur le site du ministère de la santé et font l’objet d’une réactualisation régulière en fonction des études disponibles.
Le but n’est pas d’interdire aux usagers d’y recourir mais de les prévenir sur les risques liés à des pratiques qui n’ont pas ou insuffisamment fourni les preuves de leur efficacité et dont certaines peuvent conduire à une emprise mentale ou sectaire ,voire mener à un arrêt des traitements conventionnels dans le cadre d’une pathologie et pouvant induire une perte de chance.(19)

Nous aimerions pouvoir compter sur les instances rattachées à l’autisme, à fortiori sur celles censées nous délivrer les informations éclairées auxquelles nous sommes en droit d’attendre mais même de ce côté, nous ne sommes pas particulièrement aidés. Il suffit de se remémorer le tollé suscité courant janvier par la mise en ligne d’une base de documentation contenant un nombre impressionnant d’ouvrages problématiques dont quelques centaines faisant la promotion de la psychanalyse, des biomeds, de la chelation et autres méthodes ou thérapies non recommandées.

L’argument servi dans un article du média Handicap.fr selon lequel ces ouvrages feraient « partie de l’histoire de l’autisme » et qu’on ne va pas « les bruler » est au mieux inaudible au regard de la prolifération des dérives au sein des TND, au pire, une forme de mépris à l’endroit des usagers en leur donnant à penser que toutes les théories se vaudraient.(20) (21)

Notons aussi que les associations autisme qui ont dénoncé cette incongruence se sont focalisées uniquement sur les ouvrages faisant la promotion de la psychanalyse.
Elles seraient pourtant bien inspirées de prendre leur part de responsabilité et communiquer plus régulièrement sur l’ensemble des dérives thérapeutiques auxquelles peuvent être confrontés les usagers dans le milieu de l’autisme.
On ne peut brandir à tout bout de champ les recommandations de bonnes pratiques en exigeant leur « respect » concernant la psychanalyse et s’abstenir sur le reste des interventions non recommandées. A force, ça finit par se voir.

S’armer intellectuellement

Il n’est pas évident de différencier ce qui relève ou non des pseudosciences et peu de personnes font la démarche de signaler les pseudo praticiens qu’elles pourront rencontrer sur leur chemin aux autorités compétentes. C’est en partie sur ce point que comptent les charlatans pour prospérer en toute impunité.
Le marché parallèle des thérapies alternatives a explosé au point qu’on trouve même des hôpitaux et des mutuelles en faisant la promotion. Les rapports rendus par les agences de santé ou spécialisées dans les dérives sectaires n’effleurent qu’une partie de l’iceberg. La majorité des victimes de pseudo thérapies ne portent pas plainte pour diverses raisons.

Procédures longues et coûteuses, mise au ban de la communauté, harcèlement, menaces de procès en diffamation, peur d’avoir affaire aux services sociaux quand des mineurs sont concernés, incitations à persévérer malgré l’absence d’effets voire la présence d’effets indésirables, tentatives d’inversion des responsabilités en culpabilisant l’usager, soit d’avoir eu recours à telle pratique en y ayant accordé un crédit supérieur aux prétentions, de ne pas avoir bien suivi les étapes, ne pas s’être suffisamment impliqué dans la démarche de soins ou le « protocole » mais aussi parce que dans le cadre d’abandons de traitements conventionnels pour des pathologies mettant en jeu la survie du patient, la victime n’est plus de ce monde pour pouvoir en témoigner. Pratique.
Et surtout, c’est compliqué de reconnaître que nous avons pu être trompés. Et pourtant, nous ne devrions pas avoir honte, ni d’avoir cru à des discours nous ayant induit en erreur, ni d’avoir été abusés par des praticiens à qui nous avons accordé notre confiance.
On peut aussi hésiter à mettre fin à une thérapie, aussi problématique soit-elle parce qu’on s’y est investi. (biais des coûts irrécupérables) (22)

Nous pouvons ne pas savoir non plus à quel organisme s’adresser selon la situation : ARS, DGCCRF, CNOM, MIVILUDES, ANSM, procureur de la République ?
Dans ces cas, on peut tenter en premier lieu de contacter l’organisme qui nous semble le plus à même d’être concerné par la problématique en demandant à être orienté le cas échéant vers l’instance la plus indiquée pour intervenir sur la situation.

Errance diagnostique et médicale, indisponibilité des professionnels du service public et délais trop longs entre recherche de réponses et prises en charges adaptées, sentiment de disposer d’une oreille attentive à contrario des professionnels du service public qui n’ont pour certains plus le temps d’écouter leurs patients sont des terreaux fertiles aux questionnements et au besoin de trouver des réponses et des solutions le plus rapidement possible. Dans ces moments là, on a plus de risques de se retrouver confrontés à diverses suggestions alternatives présentées comme novatrices ou efficaces, que ce soit dans notre entourage ou via les réseaux sociaux.
Le biais pro endogroupe peut favoriser notre adhésion à certaines croyances ou pratiques. Nous avons tendance à faire confiance et accorder plus de crédit aux personnes issues de groupes d’appartenances communes.

Lorsque l’on n’est pas certain de la validité d’une thérapie, on peut se référer en premier lieu aux organismes gouvernementaux rattachés aux tutelles de santé.
On peut aussi s’exercer à une certaine forme de vigilance concernant les invitations qu’on peut recevoir sur les réseaux sociaux en explorant le profil et les publications de la personne ou la page associée quand celle-ci concerne une offre de soins ou de services, d’autant plus que nous avons tendance à être moins méfiants envers des individus qui partagent avec nous des sujets ou contacts en commun.
On peut également consulter des contenus proposant de la vulgarisation scientifique pour apprendre à exercer une certaine forme d’esprit critique et mieux repérer les multiples biais susceptibles de nous faire adhérer à des discours revendiquant une certaine scientificité mais qui peuvent être trompeurs.

Notre système de santé est loin d’être parfait, c’est un fait qu’il ne faut pas occulter mais pour autant, cela ne doit pas justifier d’abandonner le navire de la connaissance sans se battre auprès des institutions de santé publique pour disposer d’une meilleure offre de soins basés sur des thérapies et traitements ayant fait preuve de leur efficacité.

Ne laissons pas la science être instrumentalisée à des fins mercantiles et/ou idéologiques.

Ne laissons pas la porte grande ouverte au charlatanisme.

Pour aller plus loin :

Un historique autour des pseudo traitements de l’autisme par Amélie Tsaag Valren : https://fr.wikipedia.org/wiki/Guérison_de_l’autisme
Résumé des recommandations de bonnes pratiques en autisme éditées par la Haute Autorité de Santé concernant les interventions recommandées et celles qui ne le sont pas en raison de la faiblesse ou l’absence de preuves d’efficacité : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2012-03/questions_reponses_vdef.pdf
Un bréviaire en cours d’enrichissement disponible sur le site du collectif Fakemed, une association regroupant des professionnels et usagers qui militent contre les pseudosciences : https://www.fakemed.org/fakedex/

Liste d’organismes de santé où l’ont peut s’informer et/ou effectuer un signalement :

Quelques capsules courtes pour apprendre à exercer notre esprit critique :

Quelques liens pour aller plus loin sur le sujet du numérique:

Quelques liens à propos des dérives biomédicales :

Quelques contenus de vulgarisation en psychologie :

Quelques contenus traitant de dérives médicales ou d’emprise mentale :

Références :

1. Baligand, P. Le nombre d’élèves handicapés scolarisés a-t-il réellement augmenté ?
2. Ramus, F. (2017, mai 14). Peut-on parler d’une épidémie d’autisme ?
3. Antivax – Les marchands de doute | ARTE
4. Fiolet, T. (2019, décembre 3). Quels sont les dangers des compléments alimentaires et risques pour la santé ?
5. Vinçot, J. (2021b, novembre 25). Le régime alimentaire est impliqué dans le lien entre l’autisme et le microbiome. Le Club de Mediapart.
6. Vinçot, J. (2021a, novembre 25). Autisme : En premier, le régime alimentaire ou le microbiote intestinal ? Le Club de Mediapart.
7. Risque Alpha. Chloroquine et EBM : 7 petites histoires.
8. M.Repiquet(2021, novembre 23). Medoucine : Le charlatanisme en douceur. La Menace Théoriste.
9. Comment contrer un argument fallacieux ? Épisode 1 – le Whataboutisme
10. Résistance aux antibiotiques. (2020). Organisation mondiale de la Santé.
11. Garré, C. (2021, septembre 7). Troubles du spectre autistique : Arrêt des essais de phase 3 évaluant le diurétique bumétanide faute d’efficacité.
12. AFIS.Maladie de Lyme.La loi peut-elle dire la science à l’encontre du consensus scientifique et au mépris de l’intérêt des patients?
13. Collectif Stop Autisme Virtuel. L’information grand public sur la surexposition aux écrans ne doit pas être inspirée par le COSE!
14. To be or not Toubib (2020, octobre 11) Le Syndrome de KISS
15. M. Gautier-Martins. Neuromythe #4 : l’effet Mozart
16. 20 Minutes. Ecoles hors contrat : Manuels obsolètes, numérique inexistant… Une enquête pointe des dérives dans certains établissements
17. France Info. Ecoles : un business en or
18. Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Attention aux risques des pratiques de soins « non conventionnelles »
19. Ministère des Solidarités et de la Santé. Les pratiques de soins non conventionnelles
20. Handicap.fr. DOCautisme : la plateforme pour tout savoir sur l’autisme?
21. Handicap.fr. DOCautisme : colère sur des ouvrages non recommandés
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HPI. N.Gauvrit et F.Ramus. La légende noire des surdoués.

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